jeudi 26 juin 2014

Episode 13 : Burn Hollywood Burn






En 1965, les émeutes de Watts ont redonné au ghetto un peu de fierté. On ne baisserait plus la tête devant les anciens maîtres. L’Amérique blanche a eu très peur ces années là. Tous les étés, des émeutes ravageaient les quartiers de relégation, et débordaient parfois dans les quartiers riches. Mais si les droits civiques ont été arrachés, en grande partie grâce à ces soulèvements, l’égalité réelle n’a jamais été obtenue. Trente ans après Watts, c’est à nouveau Los Angeles qui rappelle aux USA que ses ghettos sont en guerre. 

Comme souvent, ce sont des violences policières qui vont mettre le feu aux poudres. Mais cette fois, pas de rumeur, aucun doute possible : les camescopes ont fait leur entrée dans les foyers, et le monde entier voit le tabassage de Rodney King par une bande de flics racistes sur son écran de télé. Un déchainement de coups sur un homme à terre et désarmé. L’acquittement de cette bande de porcs par un jury blanc va déclencher les plus grosses émeutes que les USA aient connu, six jours de feu, de joie, de pillage. Un milliard de dollars de dégats. Ce n’est que l’arrivée de la garde nationale qui finira par ramener un calme précaire, au prix de dizaines de morts, de milliers de blessés et d’enfermés. Au delà des chiffres, ces journées irréelles ont marqué notre histoire à plus d’un titre. S’il est parti d’un quartier Noir, le soulèvement s’est vite répandu et ce sont tous les pauvres qui s’y sont mis, Noirs, Blancs, Latinos. Les gangs, qui se livraient une guerre fratricide terriblement meurtrière, ont signé un traité de paix, pour s’unir contre la police. La trève a survécu quelques années après les émeutes et le nombre de meurtres entre frères a diminué de manière significative. Le monde entier a eu les yeux rivés sur Los Angeles cette semaine-là, découvrant des scènes de chaos sur le sol américain. L’Amérique n’était pas invulnérable, et ses ghettos menaçaient de la ravager pour de bon. 

Une des nombreuses conséquences de ce soulèvement fut l’explosion du gangsta rap, comme si on voulait comprendre ce qui se passait dans ces ghettos ensoleillés pour qu’ils puissent se montrer aussi dangereux. La musique elle-même fut transformée. On passa d’un rap rude, aux sonorités agressives très influencées encore par New-York, à un son plus apaisé, festif, « laidback ». Un son qui accompagne des virées en bagnole, joint de Chronic à la bouche, un son qui dit la fierté d’avoir fait trembler les maîtres, d’avoir su réconcilier Bloods et Crips pour un temps, d’avoir remis la police à sa place. Un son qui ne s’excuse pas, qui ne se plaint pas, un son insolent, qui ne revendique pas, un son qui va changer pour longtemps la face du Hip Hop.

                    BCK MIR 13 LA RIOTS FACE B

La Playlist : BCK MIR 13 PLAYLIST 

mardi 24 juin 2014

LA Riots Vidéos

La vidéo de Disco Wiz où il explique l'influence du Black out de NYC en 1977 sur la culture Hip hop naissante :











Un film plein de défauts, mais avec deux trois trucs précieux, notamment le départ de l'émeute à South Central : Uprising, Hip-hop and the L.A riots

Extraits de ce que Matthew Mac Daniel a filmé juste après le rendu du verdict à l'AME Church de South Central :



Puis le départ, avec notamment les images montées en épingle du Rodney King à l'envers subi par Regginal Dennie au croisement de Normandie et Florence :



La suite des vidéos en cliquant sur le lien :

samedi 21 juin 2014

jeudi 19 juin 2014

Episode 12 : " There's a riot goin' on "





Cette semaine, un nouvel épisode sur la révolte, après en avoir consacrés beaucoup à la souffrance et l'aliénation.

C’était il y a pile un demi-siècle. C’était hier. Le quartier de Watts à Los Angeles s’embrasait, ouvrant la voie de ce qu’on allait appeler les hot summers : tous les étés, jusqu’à la fin des années 1960, les quartiers Noirs se soulevèrent, la plupart du temps en réaction à des violences racistes ou policières.

1965 marqua un tournant pour le « Mouvement des droits civiques », qui visait à obtenir l’égalité des droits, la fin de la ségrégation, la dignité. En Mars, la marche de Selma à Montgomery, dirigée par le révérend Martin Luther King, chantre de la non-violence, était réprimée dans le sang. Un mois plus tôt, Malcolm X était assassiné par des fidèles de la Nation Of Islam – vraisemblablement pilotés par le F.BI – qu’il avait quitté l’année précédente, en conflit ouvert avec les positions racistes et la vie dissolue de son dirigeant. Depuis la campagne de boycott des bus lancée dix ans auparavant à Montgomery, tous les moyens non-violents semblaient avoir été employés : sitt-in, marches, boycotts, inscription sur les listes électorales… et se heurtaient toujours au même mur du racisme structurel américain. Le modèle intégrationniste prôné par Luther King et ses apôtres commençait à être sévèrement critiqué par la rue, qui ne tarda pas à le manifester, d’une manière moins polie que ses pseudo-dirigeants. Surtout, l’égalité formelle réclamée dans le Sud semblait dérisoire pour le peuple des ghettos du Nord, le grand oublié des revendications, qui subissait pourtant une ségrégation plus sournoise mais tout aussi écrasante, géographique, économique, sociale. Entassés dans des quartiers pourris rongés par la pauvreté, le chômage, la drogue, les violences policières, on savait bien que tendre la main avec amour ne suffirait pas.

A Watts, c’est un contrôle routier qui tourne mal qui mit le feu aux poudres. Du 11 au 17 août, environ 1000 bâtiments furent détruits, une trentaine de personnes tuées, en partie par la police, 4000 arrêtées. 35 millions de dollars de dégâts. Puis vint Detroit en 1967. Puis des centaines de ville en 1968, après le meurtre de Luther King. L’atmosphère avait changé. Il n’était plus question de baisser la tête, d’encaisser les coups en silence. Carmichael, issu du mouvement des étudiants non violents, lança le Black Power. Sur les cendres de Malcolm et Watts se dressèrent les Black Panthers. La musique elle-même, malgré un marché du disque plus que frileux, finit par s’en mêler.

Quand le peuple force ses leaders auto-proclamés à se radicaliser. Quand les artistes sont sommés de prendre position. Quand la peur change de camp, enfin.

L'émission : BCK MIR 12
La playlist : BCK MIR 12 PLAYLIST



Comment elle les regarde les bien-propres-sur-eux... Elle finira plus tard par regretter ses engagements, estimant que ça lui a fait rater sa carrière. Nina Simone, comme beaucoup, a mal vieilli, des histoires circulent sur son antisémitisme maladif à la fin de sa life, la fréquentation de Farrakhan et l'abus de tise et d'égocentrisme n'y sont sans doute pas pour rien ; mais à cette époque elle irradie. La chanson a été interdite dans plusieurs Etats du Sud, notamment à cause du blasphème.

Les paroles :

Alabama's gotten me so upset
Tennessee made me lose my rest
And everybody knows about Mississippi Goddam

Alabama's gotten me so upset
Tennessee made me lose my rest
And everybody knows about Mississippi Goddam

Can't you see it
Can't you feel it
It's all in the air
I can't stand the pressure much longer
Somebody say a prayer

Alabama's gotten me so upset
Tennessee made me lose my rest
And everybody knows about Mississippi Goddam

This is a show tune
But the show hasn't been written for it, yet

Hound dogs on my trail
School children sitting in jail
Black cat cross my path
I think every day's gonna be my last

Lord have mercy on this land of mine
We all gonna get it in due time
I don't belong here
I don't belong there
I've even stopped believing in prayer

Don't tell me
I tell you
Me and my people just about due
I've been there so I know
They keep on saying 'Go slow!'

But that's just the trouble
'Do it slow'
Washing the windows
'Do it slow'
Picking the cotton
'Do it slow'
You're just plain rotten
'Do it slow'
You're too damn lazy
'Do it slow'
The thinking's crazy
'Do it slow'
Where am I going
What am I doing
I don't know
I don't know

Just try to do your very best
Stand up be counted with all the rest
For everybody knows about Mississippi Goddam

I made you thought I was kiddin'

Picket lines
School boy cots
They try to say it's a communist plot
All I want is equality
For my sister my brother my people and me

Yes you lied to me all these years
You told me to wash and clean my ears
And talk real fine just like a lady
And you'd stop calling me Sister Sadie

Oh but this whole country is full of lies
You're all gonna die and die like flies
I don't trust you any more
You keep on saying 'Go slow!'
'Go slow!'

But that's just the trouble
'Do it slow'
Desegregation
'Do it slow'
Mass participation
'Do it slow'
Reunification
'Do it slow'
Do things gradually
'Do it slow'
But bring more tragedy
'Do it slow'
Why don't you see it
Why don't you feel it
I don't know
I don't know

You don't have to live next to me
Just give me my equality
Everybody knows about Mississippi
Everybody knows about Alabama
Everybody knows about Mississippi Goddam



Le discours complet : Message to grassroots





L'esthétique de la Motown, mais un hymne des émeutes... Un journaliste qui demande deux ans plus tard aux Jackson 5 ce qu'ils pensent de la situation politique se fait couper par un responsable de cette usine à tubes qui vient de les signer : " Les Jackson 5 sont un produit commercial, ils ne pensent rien "



L'impayable arrivée d'Isaac Hayes le mégalo, et le révérend Jackson qui peut pas prononcer le "Bad motherfucker", ni le "Black Moses" :



Richard Pryor, encore inconnu, j'espère que vous comprenez un peu l'anglais, pas trouvé de version sous-titrée. "That nigger is crazy !"




Le film complet : WATTSTAX

Les Last Poets, merci à Monsieur Blod pour ce lien précieux :




La semaine prochaine, on parlera pas mal des émeutes de L.A en 1992, pour continuer la micro histoire musicale des révoltes. Navré pour les imprécisions et les caricatures, le temps est trop compté, le sujet trop vaste, les talents d'orateur trop maigres. On espère juste que ça vous donnera envie de creuser. Dig it !

jeudi 12 juin 2014

Episode 11 : Kunta Kinte

 



Tiers-monde de l'équipe Din-records a sorti un album qui s'appelle "Toby or not Toby". Toby, c'est le nom que les planteurs esclavagistes font accepter à coups de fouets au héros du roman d'Alex Haley, Racines, sorti en 1976, et qui a fait grand bruit à l'époque, parce qu'il allait contre le cliché tellement ancré de l'esclave heureux de son sort, paresseux et souriant, ce Jim Crow dont on a parlé il y a quinze jours. Le vrai nom de Toby, c'est Kunta Kinte, mandingue de Gambie, kidnappé à l'adolescence alors qu'il était promis à un destin de grand guerrier. Medine nous avait raconté cette histoire dans un de ses plus beaux morceaux sur son album Arabian panther :



Les images sont tirées de la série télé sortie en 1977, et qui a battu des records d'audience à l'époque (la moitié des ricains devant leur télé !). Alex Haley, c'est le biographe de Malcolm X, et si on a depuis remis en cause la véracité de ce qu'il raconte dans Racines, présenté comme l'histoire transmise de génération en génération de sa famille, son bouquin donne quand même un récit de la vie des esclaves bien loin de La Case de l'Oncle Tom. On y voit l'insoumission, le désir ardent d'évasion, la volonté farouche de se rappeler d'où l'on vient, de sauver son histoire, son identité, ses croyances. Les maîtres craignaient les esclaves plus qu'on ne le pense, et chaque révolte a vu se durcir encore plus les codes régissant leur asservissement. Un moyen de contrôle plus pernicieux encore fut la division orchestrée au sein des esclaves eux-même, tout un système hiérarchique entre favoris et bétail humain, raconté avec humour par Malcolm X, qui y voit l'origine d'une division pérenne au sein du peuple noir :



Il y a pourtant eu des révoltes collectives, quelques 250 sur le sol américain, selon des chiffres difficiles à vérifier, dont la plus célèbre et la plus sanglante est celle de Nat Turner en 1831. Ailleurs, certaines furent victorieuses, comme celle des maroons de Jamaique, dont on reparlera forcément quand on ira faire un tour dans le Rocksteady.



Le clip de Tiers-Monde, Toby or not Toby :



Et la scène de la série, aux nombreux défauts, mais qui marqua une nouvelle étape dans la prise de conscience de l'histoire réelle de la présence Noire aux USA :



Cette semaine, on parle aussi de la sortie du numéro 39 du journal L'Envolée, pour en finir avec toutes les prisons. Une soirée de présentation aura lieu le 19 juin à La Chapelle, à Toulouse. Plus d'infos sur le site du journal. Force, courage et détermination aux enfermés, à Seysses ou ailleurs.
Cliquez sur l'image pour accéder au site :

www.lenvolee.net


On parle encore de Lil Herb, jeune enragé de la scène drill de Chicago, dont la mixtape Welcome to Fazoland est la vraie tarte de ce début d'année :



Les meufs ne sont pas en reste dans le Drillinois :




Et on finit par Vince Staples, qui vient de sortir sa mixtape Shyne Coldchain vol. 2, excellente et gratuite. On y mesure le chemin parcouru depuis ses débuts nihilistes avec la bande d'Odd Future. La plupart des tracks envoient le frisson, notamment quand il parle de son père gangsta, ou de l'esclavage moderne...
Odd Future, pour mémoire :









Et Vince Staples, maintenant :



A la semaine prochaine ! Merci d'être à l'écoute, et de faire passer le message. Hésitez pas à nous abreuver d'infos, de précisions et autres corrections dans la rubrique "Contact" en haut de page.

L'émission : BCK MIR 11 "Kunta Kinte"
La playlist : BCK MIR 11 Playlist

Pour une explication de texte de la chanson "Follow the drinkin' gourd" : FOLLOW